Lettre de Monsieur le Maire à Bruno LEMAIRE Ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique
Monsieur le Ministre,
Il y a quelques jours, comme tous les contribuables français assujettis à la taxe foncière, j’ai été destinataire de la note « d’information » relative à l’augmentation de ladite taxe. Ce document venant s’ajouter aux paroles prononcées par Monsieur le Président Macron lors de son allocution télévisuelle du dimanche 24 septembre dernier, à savoir : « quand votre taxe foncière augmente, ce n’est pas le Gouvernement. C’est votre commune qui le décide… ».
Aussi, je viens par la présente vous faire part de ma sidération et de mon indignation en tant que Maire, suite à ces propos et à cette publication. Il apparaît que le gouvernement veut faire croire à la population que les seuls responsables de cette augmentation sont les Maires et leurs Conseils Municipaux, en omettant de façon flagrante d’expliquer que la revalorisation des bases locatives, sont votées par le parlement majoritairement Macroniste, dans le cadre de la Loi de Finances. C’est donc bien votre majorité qui a validé cette hausse générale de 7,1% de la taxe d’habitation et il est de votre devoir de l’assumer pleinement devant le peuple de Français.
De plus, je souligne que seules 14% des 34 808 communes françaises ont augmenté leur taux de taxe foncière entre 2022 et 2023, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de la Ville d’Escaudain dont les taux sont inchangés depuis 2006. Le Président dans la suite de discours a également indiqué « … beaucoup de Maires ont décidé de ne pas augmenter la taxe d’habitation … c’est parfois dur pour leurs finances » Ironie ? Que dire sinon que cette phrase sonne comme la dénégation de celle prononcée avant ?
Comment doit-on comprendre cette déclaration ? En plus d’implicitement reconnaître la responsabilité de l’Etat dans la hausse de 7,1%, le Président reconnaît aussi le manque de ressources financières des collectivités locales ! Pour le gouvernement les villes doivent donc augmenter leur taux, comme l’ont fait certaines métropoles, pour sauver leur budget de l’inflation, au dépend de leurs administrés. Villes qui, je le rappelle, ont déjà vu leurs DGF baisser de plus de 20% sous François Hollande. Certes, on nous objecte que l’actuel gouvernement n’a voté aucune Loi en ce sens, celui-ci s’est juste contenté de geler le montant de la dotation depuis 2018, ce qui équivaux au niveau national à une perte sèche de 2,6 milliards d’euros pour les finances des communes.
L’absence d’évolution du taux de la dotation, en cette forte et durable période d’inflation, correspond bien à une baisse drastique des moyens alloués aux collectivités.
Municipalités et Elus, non contents de devoir supporter des choix financiers qui ne sont pas les leurs, voient les transferts de charges de l’Etat vers les communes affluer, doivent faire face à la suppression de la taxe d’habitation et à l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires territoriaux sans aucune compensation, mais aussi à la hausse des coûts de l’énergie et du « panier du Maire », tout cela avec une dotation forfaitaire dont le montant reste statique depuis 6 ans !
Bon nombre d’élus municipaux vivent dans un désarroi quotidien, confrontés à la disparition progressive des services publics qu’ils doivent parfois compenser, à l’inflation et à la hausse des prix qui touchent tous les secteurs, aux agressions verbales parfois même physiques et à la délinquance à laquelle ils doivent faire face souvent en première ligne … Un sentiment d’abandon, de mépris et d’irrespect de la part de l’Etat, que pourtant ils représentent.
Si des décisions ne sont pas prises rapidement pour prendre en compte cet état de fait, c’est à la révolte et au chaos qu’il faudra s’attendre. J’en veux pour preuve les émeutes de juillet dernier qui ont principalement touché des établissements publics locaux, et des symboles de la Nation Française.
C’est l’essence même et les bases de notre République qui sont en danger, et avec elles l’intégrité de la Démocratie. Comme l’a dit fort justement Camus : « la démocratie n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité ».
Espérant que vous prendrez en considération ces quelques lignes, Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de mes respectueuses salutations.
Bruno SALIGOT
Maire d’ESCAUDAIN
Vice-Président de la CAPH